Chaos, la légende du guerrier noir Tome 1
Chaos
La légende du guerrier noir
Tome 1
À la fin du XVIIIème siècle, dans un pays qui ne s'appelle
pas encore le Vietnam, les luttes incessantes
entre les envahisseurs du nord venus de Chine et les
quelques résistants d'un empire affaibli et corrompu,
sont le théâtre d'actes héroïques d'un patriotisme
naissant. Honneur, violence, fidélité, courage, dans
un monde de désordre…
11,95 €
Extrait de « Chaos, la légende du guerrier noir »
Avant la bataille
« Pour gagner, il faut attendre d’être fort et que l’ennemi soit faible. »
Sun Tsu
La date de la bataille était fixée : le cinquième jour du troisième mois lunaire, le jour de la fête de la pure clarté. Chaque officier, chaque chef de groupe avait été informé du plan de bataille. Mais il fallait terminer la formation des soldats, les armer, préparer les matériels et les acheminer sur le champ de bataille. La tension des dirigeants de cette nouvelle armée grandissait de jour en jour. Il fallait trouver un ciment à cet ensemble parfois hétéroclite de combattants et de combattantes.
C’est ce moment que choisit Chen pour demander à Anh le combat qu’il attendait. Deux des chefs s’affrontant avant la bataille avait quelque chose de symbolique aux yeux de cette jeune armée. Nguyen-Van-Anh en avait conscience. Ce matin-là, la quasi-totalité de l’armée des rescapés du massacre de la plaine rouge jointe aux guerriers du peuple des montagnes allaient assister à un combat qui opposait deux des plus grands experts en arts martiaux de cette époque agitée.
Tous les soldats et curieux s’étaient regroupés dans une clairière située en contrebas d’un piton rocheux. Cette aire libre était entourée de grands arbres au sommet desquels de nombreux enfants avaient pris place. Chaque corps d’armée, dans un ordre parfait, avait délimité un grand carré et au milieu se tenaient les deux hommes.
Chen prit la parole.
« Moi Chen, commandant de l’armée de Tsiang, ai demandé à combattre votre chef. J’ai déserté cette armée à qui j’avais juré fidélité pour me joindre à vous. Par vengeance, car Tsiang lui- même a torturé et tué mon épouse, une femme de votre race. Mais je l’ai fait aussi par respect envers votre seigneur Nguyen-Van-Anh. J’utiliserai le style du labyrinthe de maître Tam. » Il salua respectueusement l’assemblée puis son adversaire.
« Moi, Nguyen-Van-Anh, chef de notre armée, vais combattre le commandant Chen. J’utiliserai le style de la famille Trang. Puissions-nous perdre ou gagner avec honneur. » dit-il en saluant respectueusement l’assemblée puis son adversaire.
Les deux hommes se saluèrent et se mirent en garde. Après un court instant d’immobilité, ils commencèrent à se déplacer en s’observant avec intensité. Chen effectuait des déplacements circulaires caractéristiques de l’école de maître Tam et subitement engagea la première attaque. Le coup de pied de l’envol du dragon ne rencontre qu’un souffle d’air créé par l’esquive de Anh et la série de coups de poing, de la même manière, n’atteignit pas son but. Un nouveau temps d’observation permit à Chen de récupérer un peu. Puis les deux hommes se jetèrent simultanément dans le combat. Les attaques aussi vives les unes que les autres visaient des zones faibles et non protégées du corps mais souvent rencontraient un blocage rude qui faisait claquer les membres comme une bannière au vent. Les spectateurs étaient émerveillés par la richesse des techniques utilisées et commentaient à voix basse. Tout à coup, Anh lança une série de coups de pied avant de bondir vers son adversaire en coup de pied du double dragon. Chen, touché à la poitrine roula sur le sol poussiéreux et se releva immédiatement. Il prit la posture du tigre et se rua vers Anh, cherchant à attraper la gorge. Ce dernier se protégeait en esquivant avec les techniques gracieuses de la grue et du serpent. Enfin, s’enroulant sur son adversaire, il saisit son bras et l’immobilisa dans une technique de clef sophistiquée. Les ligaments soumis à rude épreuve craquaient obligeant Chen à se relâcher. Interprétant cela comme un abandon, Anh libéra le bras de son adversaire et se releva. Tout à coup, Chen bondit et attrapa le poignet de son adversaire afin de le maintenir à bonne distance pour lui asséner des coups de pied. Anh bloqua avec sa jambe repliée dans la posture du coq et les coups claquaient bruyamment sur la cuisse. Puis durant un très court instant de répit, pendant que Chen préparait son attaque, Anh fit une contre- saisie au poignet et frappa son adversaire en coup de pied d’acier au ventre. Puis donnant une impulsion, il sauta, deux jambes tendues vers le cou de son opposant et le saisit dans la technique du coq volant. [1] Imprimant un mouvement de torsion à son mouvement, il l’envoya au sol dans une lourde chute. Serrant ses jambes, il l’étouffa quelques secondes avant de le retourner afin de terminer sa technique. Immobilisé, un genou sur un des huit points du cœur, la gorge à moitié broyée par une saisie de fer, Chen essayait désespérément de retrouver ses forces. Il vit Anh au-dessus de lui, les yeux flamboyant d’une folie meurtrière et il pensa :
« Tam, mon amour, je vais te rejoindre bientôt. »
Tout à coup, un rugissement se fit entendre. A une cinquantaine de mètres, surplombant la scène, se tenait un tigre majestueusement campé sur ses grosses pattes velues. Il rugissait pour marquer la fin de l’affrontement comme un arbitre sur l’aire de combat. Et la clameur sortant de trois mille gorges vint lui répondre comme un écho. Tous comprirent ce signe du destin et se sentaient prêts à affronter l’armée qui les attendait quelque part au nord.
Anh relâcha sa prise avant de se redresser. Il tendit sa main à Chen et l’aidant à se relever le serra dans ses bras dans une accolade virile et amicale. Puis il s’adressa ainsi à son armée :
« Envoyez des coursiers au général Tsiang et dites-lui que nous l’attendrons dans trois jours ici même, au pied de la montagne des brumes. Et ensemble, nous vaincrons, retrouvant ainsi notre honneur et notre liberté. Etes-vous avec moi ? »
La clameur plus puissante encore que la première ébranla la montagne elle-même, pendant qu’un vol d’oiseaux effrayés s’éloignait. Le tigre, lui n’avait pas bougé…
[1] Technique de combat spécifiquement vietnamienne qui consiste, après avoir bondi, à saisir l’adversaire à la tête avec les jambes et le faire tomber en lui brisant les vertèbres cervicales. Traduite textuellement « ga song da bai » (le coq frappe avec ses deux pattes en volant).
Mis à jour (Mercredi, 25 Août 2010 00:51)